Section de Paris 19 è arrondissement

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Intervention de Gabriel Gau relative au Contrat Parisien de Prévention et de Sécurité

Traiter la question de la sécurité de façon sérieuse et durable, c'est manier la notion même de sécurité dans sa globalité : vivre en sécurité, c'est tout à la fois pouvoir accéder aux soins, à un emploi et à une formation stables, à l'art, au sport etc. et, bien sûr, pouvoir vivre ensemble dans sa ville, dans son quartier, sans avoir à craindre d'être agressé ou spolié par qui que ce soit.

C'est à l'aune de cette exigence que les élus communistes et du Front de Gauche examinent le Contrat Parisien de Prévention et Sécurité qui nous est présenté lors de cette communication. Ce qui nous amène à formuler quelques remarques :

Notre première remarque concerne la difficulté d'avoir un débat aussi rapide sur un texte aussi massif et dense. Si ce type de contrat se prête au cadre d’une délibération globale, il aurait été préférable d’organiser un vrai débat sur les différents aspects de ce texte, en se calant sur l’organisation du texte en trois axes en le découpant en trois, par exemple.

Évidemment, ce type de démarche constitue toujours un outil précieux pour faire travailler ensemble des acteurs qui, souvent, s'ignorent. Concernant la sécurité, les partenariats municipalité/police/justice/acteurs de prévention montrent leurs résultats. Les analyses fines et basées sur une connaissance du terrain montrent une certaine efficacité, au contraire des politiques répressives basées sur le chiffre et ignorantes du caractère social des phénomènes de délinquance.

En plus du travail en réseau avec les partenaires institutionnels et sociaux de la prévention et de la sécurité, le Contrat a été élaboré avec la participation du Conseil parisien de la jeunesse, ce dont l'adjoint chargé de la jeunesse que je suis se félicite.

L'accent est mis dans les fiches action sur les causes premières de l'orientation des personnes vers des parcours de délinquance : rapport dégradé à la citoyenneté, décrochage scolaire (on préférera ce terme à celui, simpliste, employé dans le contrat, "d'absentéisme"), etc. A ce titre, il paraîtrait indispensable d'interpeller le gouvernement sur la question des moyens de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, parent pauvre de la justice française et dont il prôné ici une "meilleure réactivité"...

Cependant, on voit bien que la vision de la Ville s'oppose à la gestion répressive de l'insécurité prônée par la droite parisienne. Le rôle d'une municipalité est bien de faire travailler en réseau tous les acteurs sociaux et institutionnels pour prévenir l'engagement dans des parcours de délinquance et non de suppléer un État défaillant dans sa mission régalienne de police. C'est pourquoi nous jugeons dommage que soit souvent mentionné comme critère d'évaluation des fiches actions le nombre d’arrestations et d’interpellations. Ces critères de la préfecture, ceux du ministère de l’intérieur, s’inscrivent dans la droite lignée de la politique du chiffre mise en place sous l’ère Sarkozy, qui ont nuit à la qualité du travail de la police ainsi qu'aux conditions de travail de ses agents..

Concernant la prévention des conduites addictives et des pratiques à risque, la philosophie de la fiche action qui y est consacrée est à saluer. Elle s'inspire en grande partie du travail expérimental effectué par associations et élus dans le cadre de la Mission métropolitaine de Prévention des Conduites à risque et prône des "mesures alternatives aux poursuites qui peuvent prendre notamment la forme d’une orientation vers des structures socio-sanitaires ou de stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de ces produits."

Nous nous félicitons également que les violences faites aux femmes fassent l'objet d'un axe entier du Contrat. C'est une avancée dans la prise en compte par l'institution de l'ampleur du phénomène et de l'importance politique du combat contre lui. La création de l'Observatoire parisien des violences faites aux femmes, la protection et l'accompagnement juridique, social, sanitaire et psychologique des victimes, les dispositifs de formation et de prévention prévus, réclament notre soutien entier.

Par ailleurs, la lutte contre le système prostitutionnel est aussi à l'ordre du jour : les associations seront davantage soutenues et il est prévu de développer une campagne d’information et de sensibilisation sur la réalité des phénomènes prostitutionnels, ainsi que de désigner un référent prostitution dans les commissariats des arrondissements où il existe un phénomène prostitutionnel. Je crois que le 19e peut, malheureusement, se sentir concerné par ce phénomène d'un autre temps.

Ce Contrat pose, malgré tout, un certain nombre de problèmes politiques aux élus communistes et du Front de gauche, que je voudrais ici évoquer :

  • L'intitulé même du premier axe ("prévenir la délinquance des jeunes" remplace "sécurité et prévention de la délinquance") est maladroit et stigmatisant. On prend ici le risque de désigner "les jeunes" dans leur globalité alors que :

    • Les jeunes sont les premières victimes de l'insécurité dans les quartiers (harcèlement scolaire, racket, influences des trafics).

    • Penser autrement une politique de sécurité, c'est considérer les jeunes des quartiers populaires non comme une population à risque, une "classe dangereuse", mais comme des citoyens en devenir : rendre les jeunes acteurs à la fois de leur parcours de formation et de vie, mais aussi de leur cité au sens large est la seule prévention durable aux parcours de délinquance, qui sont le produit d'un sentiment (qui naît dès l'enfance chez ces jeunes) que l'avenir dans la société "légale", dans la République, est à mille lieux de leurs aspirations naissantes. Cette formulation maladroite est d'autant plus mal choisie qu'elle ne reflète pas la qualité des fiches actions contenues dans cet axe, qui correspondent plutôt à la conception que je viens d'exposer.

  • Je veux également alerter sur le volet répressif de la fiche action concernant les mineurs étrangers. Ce paragraphe n’est pas acceptable à plusieurs titres. Il donne des statistiques ethniques des mineurs d'une part, et d'autre part il précise que ceux-ci ont été et resteront soumis à des tests osseux. Je veux souligner ici, de nouveau, notre opposition formelle à la pratique des tests osseux demandée par le parquet. Il est indispensable que cette pratique - dont la non-fiabilité a été démontrée plus d'une fois - ne soit plus permise par la loi.

  • Le CPPS sera décliné en Contrats de prévention et de sécurité d'arrondissement (CPSA) eux-mêmes animés par des Conseils de sécurité et de prévention d'arrondissement (CSPDA). Nombres d'instances de concertation ou de participation, anciennes ou nouvelles, vont alors se superposer sur des thèmes liés les uns aux autres :  CSPDA, Conseils citoyens animant le Contrat de ville dans les quartiers prioritaires, travail partenarial autour des Contrats jeunesse d'arrondissement (CJA), mais aussi Projets sportifs d'arrondissement (PSA), etc. Il revient donc aux mairies d'arrondissement de savoir mettre en commun ces dynamiques qui ont chacune leur valeur... mais le risque est grand tout de même de les voir s'annihiler par leur foisonnement.

  • Le Contrat salue la "présence policière accrue au sein de sept secteurs touristiques" de Paris. Si assurer la sécurité des personnes qui souhaitent visiter la capitale n'est pas à remettre en cause, on peut s'étonner de ces chiffres alors que c'est dans nos quartiers populaires que les milliers de postes supprimés dans la Police nationale ont eu le plus de conséquences…

En résumé, si on ne peut que soutenir les objectifs du CPPS ainsi que la quasi totalité des fiches actions proposées pour y répondre, il n'en reste pas moins que, tant que la politique de l'État aura comme boussole la réduction des dépenses publiques, celle-ci restera un obstacle au déploiement d'une politique qui combatte réellement l'insécurité, de ses effets les plus locaux à ses causes les plus fondamentales.

 

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Intervention de Gabriel Gau relative au Contrat Parisien de Prévention et de Sécurité

Par Gabriel Gau, le 03 March 2015

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